Déclaration de la Fraternité Notre Dame
du 13 au 16 mars 2001
Réunion préparatoire à la Conférence
Mondiale contre le racisme.


A l’occasion de cette réunion préparatoire à la Conférence Mondiale contre le racisme qui se tiendra à Durban en Afrique du Sud,
la Fraternité Notre Dame se réjouit de la possibilité offerte
d’exposer son point de vue ici à Quito.

La Fraternité Notre Dame dans ses oeuvres caritatives au service des personnes les plus démunies dans le monde où que ce soit : en Afrique, en Amérique du Nord ou en Amérique Centrale, en Asie ou en Europe accorde une place prioritaire à la prévention de toute sorte de discrimination.

Les membres de la Fraternité Notre Dame, religieuses, religieux missionnaires et les laïcs bénévoles ont pu souvent se rendre compte sur place dans leurs missions que les personnes les plus pauvres ou les plus démunies, les minorités, parce qu’elles sont rejetées, méprisées, affaiblies, tenues pour rien sont la cible de discrimination, de racisme, d’oppression tant en Europe, Asie ou Afrique. Ils sont unanimes pour témoigner que des minorités religieuses, culturelles, ethniques, linguistiques sont opprimées par des groupes majoritaires.

Que constatons-nous ? Que des majorités veulent garder leurs privilèges.
Dans certains pays d’Afrique, on ne favorise pas l’installation d’évêques ou de prêtres du pays d’origine.

Cette attitude ne permet pas le développement de l’expression de la foi et maintient une forme de tutelle morale au lieu de développer l’identité culturelle du pays. Il n’y a aucune raison de ne pas accepter les minorités religieuses du moment qu’elles ne portent pas atteinte à la liberté des individus.

Les églises interviennent auprès des gouvernements pour garder leurs privilèges et faire en sorte de baillonner les minorités religieuses.

La Fraternité Notre Dame apporte une attention et un soin plus soutenus aux membres discriminés de l’humanité du fait même de leur faiblesse et considère son assistance à leur égard comme un honneur et un devoir : en visitant de nombreuses prisons nous constatons que les droits de l’homme à l’égard des adultes et des enfants ne sont pas appliqués.

Des enfants emprisonnés dès l’âge de 7 ans stockés parfois comme du bétail dans des conditions sanitaires quasi mortelles. Des policiers nous ont expliqué qu’ils ramassent à la pelle des groupes d’enfants même s’ils sont innocents.

La Fraternité Notre Dame est à l’écoute des douleurs quotidiennes d’hommes, de femmes, d’enfants souffrants de la faim, du froid, de la chaleur, de la maladie, du rejet ; pour ne citer que quelques exemples : en Mongolie, ce sont des enfants qui meurent de froid dans la rue, vivent dans des égouts à la recherche d’un peu de chaleur. Au Cameroun, des femmes sur le point d’accoucher meurent faute de soins médicaux, à la porte d’un hôpital faute de pouvoir payer.

En taisant la détresse de ces femmes on les fait taire mais ce silence morbide accuse les personnes qui se réfèrent à tout bout de champ aux droits de l’homme dans les mots mais non dans les actes. Le devoir premier d’un état et de la communauté internationale est de protéger le droit à la vie des enfants. Permettre aux femmes la scolarisation universelle, leur offrir la possibilité d’un emploi dignement rénuméré, l’accès aux diverses professions manuelles comme intellectuelles contribuerait dans ces pays meurtris à sauvegarder l’harmonie familiale et ainsi à restaurer la paix dans les nations. Que dire de nos pays dits développés où des hommes et femmes sans emploi mendient un repas quotidien. Triste constat en ce 3ème millénaire sur la cruauté humaine.


Beaucoup d’enfants ne sont pas scolarisés parce que les familles n’ont pas les moyens d’acquitter les frais de scolarité ni de payer les fournitures scolaires. Comment ne pas s’inquiéter de voir des personnes de pays développés ou sous développés être contraintes de payer à des associations chrétiennes 2h ou 3h d’apprentissage scolaire ou pour recevoir des sacrements religieux.

La Fraternité Notre Dame a créé des écoles et des centres d’éducation gratuits pour enfants orphelins. C’est ainsi que des enfants à quelques heures ou minutes de mourir ont pu être sauvés, soignés, nourris, scolarisés et sont maintenant en bonne ou meilleure santé physique morale et intellectuelle au Cameroun, Niger, Haïti et Mongolie. L’éducation est un droit fondamental de l’être humain, elle est la clef du développement durable des pays.

Dans certains pays d’Afrique, la Fraternité Notre Dame a pu évaluer combien est ancrée la discrimination à l’égard des filles qui ne sont pas scolarisées et sont cantonnées exclusivement dans des tâches ménagères. Dans l’organisation familiale, il n’est pas rare qu’une tante prenne une de ses nièces pour assurer son éducation. La nièce est au service de sa tante avec la pénible fin de se voir monnayée en échange d’animaux. Certaines ethnies réservent la scolarisation aux garçons.

On abuse de la faiblesse d’enfants handicapés qui sont placés aux coins des rues comme gagne-pain. En Mongolie, des enfants meurent de faim et de froid dans les rues de la capitale : il est indigne de voir qu’un groupe religieux se préoccupe d’abord d’édifier un lieu de culte et ne pas porter secours aux enfants affamés. Comment s’étonner que quelques années après, ces êtres arrivés à l’âge des révoltes, de quelque nation soient ils, cherchent à se venger de ceux qui n’ont pas voulu les aider à les sortir de leur détresse.

La Fraternité Notre Dame pourrait former bénévolement des religieux, religieuses de pays étrangers. Or, faute de pouvoir circuler librement d’un pays à un autre, nous sommes contraints d’y renoncer.

Des groupes dirigeants sont souvent à l’origine d’attitudes racistes d’un sectarisme exacerbe à l’égard de toute autre forme de conviction ou d’expression différente de la leur, allant même jusqu’à la persécution religieuse ou ethnique, indigne dans des démocraties. Les implantations de nos missions ont souvent été menacées de disparition.

Pour ne citer qu’un exemple : en Haïti, un groupe armé avec des papiers falsifiés s’est emparé de notre terrain où débutaient les fondations de l’orphelinat et du centre de soins.
Les autorités n’ont pas pu protéger nos droits et nous rendre le terrain que nous avons perdu.

Quelles sont les solutions ? Elles existent. Elles naissent tout d’abord d’un état d’esprit. C’est dans le coeur de l’homme que naissent les bonnes et les mauvaises intentions. Dans ses orphelinats, hôpitaux, écoles, restaurants gratuits, dans toutes ses activités adaptées aux besoins d’autrui la Fraternité Notre Dame se fait un devoir de considérer chaque personne avec le même esprit et le même coeur se mettant au service de tous sans distinction de classe, de race, de sexe ou de croyance. C’est cet état d’esprit que le fondateur de la Fraternité Notre Dame Monseigneur Jean Marie Roger Kozik insuffle aux religieux, religieuses missionnaires de la Congrégation.

Ce digne héritier de St Vincent de Paul a fondé et fonde des maisons de par le monde au service des membres les plus rejetés de l’humanité et se fait un devoir de considérer chaque être humain avec le même respect car il transmet dans les actes que tout être humain a le droit d’être aimé.

Cette règle d’or évangélique enrayerait aisément tout germe d’intolérance, de discrimination, d’attitude raciste dans les esprits si les gouvernements, les groupes majoritaires, les médias et les responsables de l’éducation en prenaient l’esprit.

Avec nos moyens matériels et financiers limités mais avec un état d’esprit respectueux d’autrui et un courage sans limite nous contribuons à enrayer la pauvreté et à décimer le racisme, que feraient d’autres groupes majoritaires et gouvernementaux avec d’autres moyens que les nôtres ?

Puisque nous-mêmes tenons à maintenir et voir survivre notre identité religieuse spécifique, nous comprenons les difficultés auxquelles sont confrontées les minorités et l’importance de les protéger. L’un des critères essentiels au fonctionnement d’un état est sa capacité et sa volonté de protéger les droits et l’intégrité des citoyens.

Qui ne comprend que rejeter un être humain, rejeter une minorité au sein d’une nation entraine chez cette minorité un sentiment d’injustice qui souvent nuit et fait naître la discorde et la haine de part et d’autre. Les révoltes et les guerres fratricides sont souvent causées par trop d’humiliations et d’injustices accumulées.

Je vous laisse comme réflexion et je terminerai sur cette parole de Raoul Follereau, le grand apôtre des lépreux :


“La charité, c’est la projection du Visage du Christ sur le visage du pauvre,
du souffrant, du persécuté”.

[Fin de la Déclaration]

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